Droit du sol ou droit du sang : si les Républicains révisaient leur histoire de France ?
par Nicolas Gauthier
(paru sur le site Boulevard Voltaire)
Le droit du sang fut l’un des rares acquis de la Révolution, avec la suppression des péages et le droit de chasse pour tout un chacun.
C’est une arlésienne ou une chasse au dahu. Droit du sol ou droit du sang ? Ne sachant plus quoi inventer pour se rendre intéressants, les « Républicains » de Nicolas Sarkozy proposeraient ainsi d’en revenir à ce fameux droit du sang. Mais, en filigrane, ce célèbre vers de « La Marseillaise » : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons… » D’où reductio ad Hitlerum et anachronismes historiques de circonstance.
À l’époque de la Révolution française, les termes de « races » ou de « racisme » n’existent pas ; à cet égard, il faudra les savants de la fin du XIXe siècle, généralement de gauche et souvent antichrétiens, pour mettre ces vocables à l’honneur. Logique : quand l’explication divine n’est plus, il faut bien inventer d’autres clefs permettant de comprendre la marche de notre vaste monde. Mais revenons-en à ce « sang impur ». Il ne s’agit là, ni plus ni moins, que du sang du peuple, « impur » lorsque comparé au sang « pur », au sang « bleu » des aristocrates. Pas de quoi fouetter un Yannick Noah, donc.
Évoquer le retour au droit du sang, à en croire certaines autorités morales et médiatiques, consisterait donc à se torcher avec ces valeurs données pour « républicaines ». Pas de chance : c’est l’exact contraire. Le droit du sol était la norme sous l’Ancien Régime. Le gueux appartenait à sa terre, laquelle était généralement possédée par le seigneur du coin. En ce sens, le droit du sang fut l’un des rares acquis de la Révolution, avec la suppression des péages et le droit de chasse pour tout un chacun : riche ou pauvre, chacun portait la nation en ses veines. Pour les sceptiques, prière de se reporter aux travaux de Patrick Weil, membre du Parti socialiste jusqu’en 1985, et désigné en 1997, par Lionel Jospin, alors Premier ministre, pour une mission consacrée à « la nationalité et à l’immigration ».
Et c’est la IIIe République, légitimement soucieuse de reconquérir la sacro-sainte Alsace-Lorraine, après la débâcle de 1870, qui rétablira le droit du sol. Pas pour des raisons humanitaires n’existant pas encore. Mais pour des motifs autrement plus prosaïques. À l’époque, le service militaire peut aller de deux à trois ans. Le capitalisme naissant a besoin de bras, d’où importation plus ou moins légale de centaines de milliers d’immigrés, italiens ou polonais pour la plupart, auxquels sera ainsi accordée, un peu de force, la nationalité française. Déjà, l’on savait qu’il pourrait bien y avoir pénurie de chair à canon dans la Grande Guerre qui s’annonçait.
Voilà pour l’histoire. Histoire qui n’a pas grand-chose à voir avec celle du Front national et de son racisme, réel ou présumé. D’ailleurs, même un certain Valéry Giscard d’Estaing, assez peu crédible en Hitler auvergnat, ne proposait-il pas, dès 1991, dans un entretien accordé au Figaro Magazine, qui fit alors grand bruit, de « revenir au droit du sang », pour cause « d’immigration » par lui comparée à une véritable « invasion » ?
Dans l’affaire, c’est finalement le Front national qui la joue petit bras avec quelques trains de retard. On ne saurait être précurseur en toutes choses…
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