Cinéma populaire européen ? Artus, du bel ouvrage à la française !

par Nicolas Gauthier.

(© Boulevard Voltaire)

Las de ne pas trouver le film introuvable ? Cette série B dont les cinéphiles vous parlent mais qu’on peine à dénicher ? Une seule réponse : Artus, société artisanale basée à Béziers et fondée par deux passionnés qui exhument, année après année, au prix d’un travail digne des Travaux d’Hercule, le meilleur du cinéma populaire européen.

La France demeure décidément la patrie des cinéphiles. Dans le registre qui nous occupe, le cinéma populaire, dit aussi cinéma de genre, il y a évidemment les Espagnols d’Atelier 13, des Américains d’Anchor Bay ou les Anglais de Shameless, mais rien qui ne puisse rivaliser, en termes de professionnalisme ou d’artisanat de luxe, avec le travail de Thierry Lopez et Kevin Boissezon : copies généralement impeccables, superbes coffrets, garnis de livrets et de cartes postales représentant de sublimes affiches d’époque. Sans compter des bonus en forme d’entretiens le plus souvent érudits et passionnants.

Alors que le marché du DVD tend à s’étioler, que Néo Publishing, autre éditeur français ayant lui aussi réédité un flot de pépites cinématographiques, a fini par mettre la clef sous la porte, Artus continue envers et contre tout. La force de la passion sans doute…

FLORILÈGE

Le boulanger de l’empereur et L’empereur du boulanger
Deux films tchèques de 1951, relatifs à la légende du Golem, dont les amateurs de fantastique avaient souvent entendu parler sans jamais les avoir vus. Beau et mystérieux à la fois, entre culture yiddish et paganisme des Balkans. Plus européen, on ne voit guère.

Messiah of evil
Encore un petit film américain. OVNI cinématographique, naguère diffusé sur Arte et signé du très méconnu Willard Huyck. Filmé façon Mario Bava sous LSD, le bidule nous présente une héroïne prénommée… Arletty ! D’un point de vue visuel et narratif, c’est tout simplement renversant de beauté. Pour le reste, ça fout véritablement les miquettes aux cinéphiles les plus avertis. Crépusculaire et grandiose à la fois.

Si j’avais mille ans
Retour vers le Vieux monde, l’Europe… Sublime film autour d’une légende celte, magnifiée par les arpèges d’Alan Stivell. Des années que la pépite était invisible, et la revoilà… Le résultat est sublime. Avec Jean Bouise, Dominique Pinon et la si jolie Marie Dubois, “la fille du guignol” de La Grande vadrouille. Au final des courses, un chef d’œuvre oublié et enfin exhumé.

Le renne blanc
Autre miracle signé Artus ? Le seul film de vampire finlandais filmé à ce jour et qui, en 1952, fut distingué par le grand Jean Cocteau au festival de Cannes. On notera que l’entretien consacré au chamanisme en bonus est tout aussi passionnant que ce bijou oublié.

L’Effroyable secret du docteur Hichcock et Le spectre du professeur hichcock
Italie quand tu nous tiens ! Le fameux diptyque de l’immense Riccardo Freda enfin réuni. La chose n’était plus visible depuis des décennies ? Aussi fort que Les diaboliques de Georges Clouzot, aussi machiavélique que le plus tordu des thrillers, ces deux monuments sont enfin de retour. À voir ou revoir, à découvrir ou redécouvrir de toute urgence.

Chacun pour soi
Encore un autre film européen, un western, ce coup-ci… Car Artus se lance désormais dans le western européen. Chacun pour soi, le seul du genre signé par le très oublié Giorgio Capitani, nous en dit beaucoup sur les tréfonds de l’âme humaine. C’est beau et triste à la fois. Poignant et désolant en même temps. Et Klaus Kinski en tueur inverti en devient presque poignant. Encore un bijou inconnu désormais disponible pour les cinéphiles les plus exigeants.

Texas et Les Colts de la violence
Dans la foulée, deux autres pépites du western européen. Le premier retrace l’assassinat de JFK, façon cowboys, Stetsons et Colt 45. Le second nous parle de vengeance et de droiture. C’est vieux comme Homère, mais on n’a pas fait plus neuf depuis…